Présentation
Entre Saint-Raphaël et la Napoule, lorsqu’on traverse par la corniche ou par le chemin de fer le massif du l’Estérel, le voyageur tombe sous le charme d’un paysage inhabituel, très coloré et contrasté. Surtout par temps de Mistral, lorsque le ciel est balayé de toutes ses impuretés et que la Méditerranée à ses pieds, étale à l’infini son bleu profond.
Ce très ancien relief cristallin hors du commun, doit probablement son nom à une terre si difficile à cultiver que les Romains la qualifiaient de « sterilis ». Les occitans l’appellent l’Esterèu, avec l’accent s’il vous-plaît !
Au XVIIIe siècle, ce décor impressionnant fut hanté raconte-t-on, par le brigand Gaspard de Besse. Une sorte de « Robin des Bois provençal » qui détroussait les voyageurs et agents du fisc pour donner aux pauvres.
Le massif de l’Estérel possède l’avantage de s’édifier dans une région bénie des dieux aux senteurs du maquis. De multiples sentiers, s’enfoncent dans une végétation de pins, de chênes-lièges, d’arbousiers, de genévriers, de cistes et de romarins que l’on s’efforce de protéger. Sur son littoral extrêmement découpée, le relief et la mer s’interpénètrent. Des pointes escarpées alternent avec de minuscules plages. Cette couleur rouge de la roche on la doit à la rhyolite appelée à tort « porphyres rouges de l’Estérel ». La rhyolite de densité 2.3 à 2.6 g/cm3 est une roche vitreuse composée de quartz, de feldspath, d’amphibole et de biotite.

(Photo : André Laurenti)
Un paysage issus d’une longue histoire géologique
L’origine géologique de la région est à rechercher dans des âges très reculés de l’ère primaire. En effet, l’histoire de la formation de ce massif de faible altitude (point culminant Mont Vinaigre 614 m) remonterait au Stéphanien, il y a 290 millions d’années. Des failles verticales orientées Nord Sud, sont à l’origine d’effondrements, avec la mise en place de bassins marécageux ou lacustres. Un peu plus tard, au Permien (280 Ma), un mécanisme de distension donne naissance au nord du massif, à de grandes cassures orientées Est Ouest.

(Photo : André Laurenti)

(Photo : André Laurenti)
Cette ouverture au droit des failles permet le passage de laves en quantité modeste, provoquant des coulées calco alcaline de rhyolite et des débordements d’ignimbrites selon la dynamique de la bouteille de champagne. Ces magmas sont caractérisés par une forte teneur en silice et surtout une très forte teneur en gaz dissous.
Au permien inférieur, le paysage a tendance à ce niveler à cause des coulées d’ignimbrites de plus en plus puissantes qui remplissent les creux auxquels viennent s’ajouter les dépôts de sédiments issus de l’érosion du relief. Ces nuées représentent ce que le volcanisme peut produire de pire en terme de force de destruction. Ces coulées proviennent des grandes fissures du Nord et du Nord-est. La principale, que l’on rencontre vient de Maure Vieille au dessus de Théoule et barre le secteur Est effondré.
Le drainage du bassin qui s’effectuait d’ouest en est, se trouve ainsi barré, c’est alors que se forme un petit lac.
Plus tard, une vallée perce le barrage au sud de Maure Vieille.
Une deuxième grande coulée d’ignimbrite recouvre les reliefs et barre à nouveau la dépression à l’Est. Un nouveau lac se forme avec dépôt de tufogrès.

Nous sommes en dessous du Mont Vinaigre, et vu le pendage de cette formation, le point d’émission est donc plus haut.
(Photo : André Laurenti)

(Photo : André Laurenti)
Une vallée perce à nouveau le barrage, mais cette fois-ci dans la partie nord-est du massif. Cette vallée entaille le haut de la coulée à l’ouest (Baisse des Charretiers).
Le poids considérable des coulées reposant sur le vide formé par la vidange du réservoir magmatique lors de gigantesques éruptions, provoque un phénomène de subsidence de la partie centrale de la dépression permienne.
Dans cette zone d’effondrement se forme un grand lac où se déposent des sédiments très fins contenant des micas provenant des roches métamorphiques des Maures et du Tanneron. Ces roches sont appelées psammites.
Après cette phase de volcanisme fissural, de vrais volcans vont s’édifier comme celui de Maure Vieille. Il s’agit d’un strato volcan dont les coulées de lave alternent avec les couches constituées de projections de cendres et de lapillis. Une explosion plus violente détruit l’appareil et donne naissance à une caldeira d’explosion. Lors de cette explosion un énorme nuage se développe et les cendres vont se déposer sous forme de cinérites (une roche formée par l’agglomération de cendres), ils constituent de nos jours un niveau de repère.
Le magma est alors presque complètement dégazé, son degré d’explosivité est quasiment nul. Il donne naissance à des extrusions de dômes, soit dans le lac post ignimbritique, soit sur les reliefs le bordant au nord. Trois de ces dômes se mettent en place dans l’ancien exutoire du lac. Il s’agit de la Baisse des Charretiers, des Collets Redons et de Maure Vieille.
Au permien supérieur, des émissions gazeuses liées à un volcanisme basique enrichissent les eaux en CO2, Ca++ et F. Il en résulte un dépôt de calcaire à fluorite.
Beaucoup plus tard à l’ère tertiaire, il y a environ 61 millions d’années, une série de sills d’esterellite apparaît de part et d’autre d’Aigue Bonne.
Enfin, la masse la plus importante d’estérellite se met en place dans une direction nord ouest – sud est.
Plus tard encore, à la fin de l’ère tertiaire, vers 5 ou 6 millions d’années, la Provence bascule en Méditerranée. Le réseau hydrographique s’oriente alors de nord au sud.

(Photo : A. Laurenti)
Ces dépôts que l’on peut encore voir dans les Alpes-Maritimes
Les nombreuses manifestations éruptives ont produit d’énormes quantités de cendres. Leur altération parfois mêlées à du sable fin aurait donné les schistes rouges ou rouge violacé permiens. Ils affleurent dans une large bande de Fréjus jusqu’à Toulon. Dans les Alpes-Maritimes, on les retrouve sur le bord sud du massif du Mercantour, de St Sauveur-sur-Tinée jusqu’à Tende, où les roches passent des teintes violacées au vert. Enfin, ces schistes rouges appelées aussi pélites, forment le Dôme de Barrot, où leur épaisseur dépasse encore 1 000 m. Ils sont omniprésents dans les gorges du Cians et de Daluis.
Particularité
A la sortie de Saint-Raphaël, en allant vers l’Est, au bout du port de Santa Lucia, se trouve un site d’un intérêt particulier. On y observe sur le sentier des douaniers, face à l’île du Lion de Terre, des prismes de trachyte. Le pendage des prismes est faible et laisse supposer qu’on se trouve proche ou carrément sur un point d’émission de lave.
Ce lieu exceptionnel dans la région, est totalement dépourvu sur le terrain d’explications et laissé à la négligence des hommes (canettes, bétonnage etc…). Une démarche auprès du Conseil Général du Var pourrait aider à faire connaître ce site remarquable et le préserver de toute dégradation.

(Photo : André Laurenti)



(Photo : André Laurenti)
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Source documentaire :
ROMAIN Jacqueline Promenades à thème géologique dans les Maures et l’Esterel – collection équilibres – Éditions Serre.
Merci pour ces éclaircissements !
Savez-vous si la rade d’agay est issue d’un cratère de volcan comme on le dit parfois …?