Présentation
Ce lieu plutôt surprenant pour ne pas dire inédit, se situe à une dizaine de kilomètres à l’ouest de Naples. La Solfatare de Pouzzole est la zone la plus active d’un groupe de volcans qui constitue ce qu’on appelle les Champs Phlégréens, dont le nom vient du Grec et signifie brûlant.
Une immense caldeira et ses éruptions majeures connues
L’ensemble de ce volcanisme s’inscrit dans une immense caldeira de 12 X 15 km formée à la suite d’une énorme éruption ignimbritique il y a 35 000 ans. Le contour de cette dépression est encore visible de nos jours et la partie sud de son territoire se poursuit en mer, dans le golfe de Pouzzole. Ce véritable cataclysme produisit 80 km3 de tufs.
Autre manifestation marquante, il y a 12 000 ans, avec l’éruption dite de tuf jaune qui recouvrit la plaine campanienne sur près de 1 000 km2, avec un volume de tufs estimé entre 10 et 30 km3.
A l’intérieur de cette caldeira, il a été recensé plus de cinquante centres éruptifs dont certains sont maintenant sous le niveau de la mer.
Depuis 10 000 ans les Champs Phlégréens ont connu des périodes d’intense activité entrecoupées de périodes de repos de plusieurs siècles ou millénaires. Mais, la toute dernière remonte au 29 septembre 1538 à proximité de l’ancien village de Tripergole, à l’est du lac d’Averno et qui a donné naissance au Monte Nuovo, un cône volcanique de plus de 120 m de hauteur.
Les Champs Phlégréens un lieu très apprécié
Jadis, les Champs Phlégréens étaient très appréciés par les Romains, la douce ondulation des collines recouvertes de garrigue et d’agrumes les invita à ériger des villas somptueuses. Depuis 1 500 cette région représentait une des étapes obligées du « Grand Tour », voyage d’instruction et d’évasion que les aristocrates d’Europe faisaient surtout en Italie.

(Photo : André Laurenti)

(Photo : André Laurenti)
Parmi tous ces cratères, celui de la Solfatare est sûrement le plus caractéristique de par sa forme et de par l’importance de ces phénomènes volcaniques. Ce cratère d’un diamètre de 700 mètres est né d’une formidable explosion phréato-magmatique qui a eu lieu il y a seulement 4 000 ans.
La Solfatare a été ouverte aux visiteurs en 1900, malgré que depuis la plus haute antiquité elle était la destination d’excursions pour les propriétés curatives des eaux sulfureuses et pour les étuves chaudes.
Visite du site en 2001 et en avril 2003
Je quitte l’activité trépidante de la ville et son lot de nuisances, simplement en franchissant une porte cochère située au milieu d’un alignement de façade. De l’autre côté, apparait un autre monde, c’est déjà le cratère du volcan, cette fois ça y est, j’y suis, je pénètre dans la demeure de Vulcain, l’entrée mythique aux Enfers.
Un espace boisé isole complètement les rumeurs de la ville, voilà un étrange endroit où tout est calme proche même du recueillement, comme si soudain j’étais entré dans une église. C’est aussi là que se trouve le camping, j’en profite pour dresser mon abri. Au delà de la partie boisée, c’est le domaine des solfatares et des boues en ébullition, je n’entends plus que le sifflement des bouches et le bouillonnement des marmites de boue. Au milieu de ce paysage dépouillé, ensorcelé par des esprits vaporeux, je ne peux que songer soudainement à cette période de calme qui précède la tempête. Mais non, ce ne sera pas encore pour aujourd’hui.

(Photo : André Laurenti)

(Photo : André Laurenti)


(Photo : André Laurenti)

(Photo : André Laurenti)
On peut faire le tour du site en une heure environ, et découvrir la grande bouche où l’on peut voir des cristaux oranges de sulfure d’arsenic, plus loin j’arrive devant ce qu’on appelle le bourbier où la boue est à 140°C, puis le vieux puits et enfin la carrière.
Au nord-ouest du cratère se trouve les étuves, deux anciennes grottes creusées à la fin du XIXe siècle dans la paroi du cratère, pour réaliser des sudatoriums naturels.
Ce cratère est placé sous la surveillance de l’observatoire du Vésuve, on peut voir d’ailleurs, de nombreux instruments de mesures. Périodiquement des chercheurs italiens et étrangers passent des journées dans la Solfatare pour effectuer les relevés qui s’imposent.

(Photo : André Laurenti)

Les Champs Phlégréens et le phénomène de bradyséisme
Le bradyséisme est également une curiosité locale, il s’agit d’un lent mouvement cyclique du sol encore mal connu des spécialistes, qui a entraîné l’enfoncement et l’engloutissement de nombreux édifices de l’époque romaine dans la mer et notamment la disparition de la ville romaine de Baia sous plus de dix mètres d’eau.
Le littoral des Champs Phlégréens s’est effondrée progressivement de 12 mètres entre le 2e siècle avant J.-C. et le XIe siècle après J. C., puis s’est soulevée de 8 mètres entre le XIe et le XVIIe siècle, pour s’effondrer à nouveau de 5 mètres.
Depuis, cet « ascenseur géant » connait régulièrement des crises d’intense déformation, une situation cocasse bien déroutante pour le moindre géomètre qui perd ses repères et son latin, de quoi s’arracher les cheveux. Au cours de l’avant-dernière crise, de 1969 à 1972, les premières mesures des mouvements du sol au centre de la ville de Pouzzoles ont été effectuées : du niveau 0, en 1970, le sol s’est soulevé de 0,70 m à la fin de la crise en 1972.
La crise de 1982 à 1984
Plus tard, après le séisme de Campanie le 23 novembre 1980 de magnitude 6,9, une nouvelle crise s’annonça, d’importants mouvements verticaux se déclenchèrent en juillet 1982 suivis par une centaine de petits séismes jusqu’en mars 1983. Puis l’activité alla en crescendo et devint préoccupante. Le 1er avril 1984, 500 séismes ont été enregistrés en six heures, et en octobre la protection civile décida d’évacuer 20 000 personnes vivant dans des immeubles et maisons fragilisés par les secousses répétées. Dans le port de Pouzzole, le soulèvement atteignit au moins 1,40 mètres de juillet 1982 à décembre 1984. Dans la ville même, il a été observé une surrection de 1,85 mètres durant cette même période. Le niveau de déformation du sol atteignit 2,30 en 1985. La zone affectée par ce soulèvement mesure 14 kilomètres de diamètre soit une superficie d’environ 154 km2. La température des fumeroles de la Solfatare augmenta, une nouvelle bouche vit le jour le 16novembre 1984 et cracha d’épaisses volutes de vapeur, mais l’éruption redoutée n’a pas eu lieu.
En se baladant dans les rues de Pouzzole, on constate de nombreux travaux de réfection, car les bâtiments se déforment et il est toujours surprenant de voir ces façades qui ont pris du ventre.


Le soulèvement de Pouzzole
Qu’en est-il aujourd’hui ? les scientifiques de l’Istituto per il Rilevamento Elettromagnetico dell’Ambiente du Conseil National de la Recherche italien (CNR-IREA), ont observé une élévation du sol d’environ 2,8 cm entre 2005 et 2006. Inexorablement Pouzzole continue à se soulever.
En 2012, le soulèvement semble s’accélérer, en effet, un taux de déformation s’élevant à 3 cm par mois a incité le Département de la Protection Civile d’élever le plan d’urgence des « Campi Flegrei », du niveau vert au jaune (attention). Le satellite Sentinel-1A a surveillé la zone entre octobre 2014 et mars 2015, l’interferométrie montre que le sol se soulève de 0,5 cm par mois, soit 6 cm par an.
Pour l’heure, il n’y a pas d’augmentation du soulèvement celui-ci est de l’ordre de 2 cm par mois.
L’INGV section de Naples « osservatorio vesuviano » est constamment en liaison avec les municipalités concernées et les autorités pour la protection du territoire.
Le volcanisme, les tremblements de terre, le bradyséisme, la nature a vraiment tout fait pour dissuader les hommes à s’installer ici, et pourtant…. plus de 500 000 habitants vivent au rythme des mouvements du sol de cette zone parmi les plus instables de la planète et cela dans une totale insouciance.
Le temple de Serapis
La ville de Pouzzole fut d’abord fondée par les grecs, puis plus tard, les Romains installèrent un port de commerce maritime.
Le temple Romain de Serapis qui date de l’an 2 avant J.C., témoigne de cet enfoncement du sol de la cité lié à la fluctuation du magma d’un réservoir magmatique..
Les taches sombres qu’on observe sur le fût des colonnes jusqu’à une hauteur de 5,80 m environ, est dû à des coquillages qui ont rongé la pierre. A cet endroit, les colonnes étaient donc immergées.
Plus tard, le sol remonta et les colonnes furent à nouveaux hors de l’eau.

(Photo : André Laurenti)


(Photo : André Laurenti)
Des gaz dans le golfe de Naples
Une campagne océanographique coordonnée par le Conseil National de Recherches (C.N.R.), l’Institut National de Geophysique et de Volcanologie (I.N.G.V.) et l’Université de Florence, a permis de découvrir dans le golfe de Naples, un gonflement où un dôme qui émet du gaz. Cette formation est haute d’une quinzaine de mètres environ et couvre une superficie de 25 km2, elle se situe à mi-chemin entre les volcans actifs des Champs Phlégréens et le Vésuve et cela entre 100 et 170 m de profondeur.
Pendant le relevé, il a été découvert 35 émissions de gaz actifs et plus de 650 petits cratères liés aux émissions de gaz qui se sont produits au cours des derniers 12 000 ans. Les chercheurs indiquent qu’on est en présence d’une activité corrélée à un phénomène volcanique secondaire non associé pour l’instant à une ascension directe du magma.
Bibliographie :
M. Rosi – P. Papale – L. Lupi – M. Stoppato Guide des volcans – éditions Delachaux et Niestlé
La Solfatara di Pozzuoli – Volcan – Editrice Vanvitelli
Futura Sciences
Rapport n°1540 sur les techniques de prévision et de prévention